Jadis village de la communauté rurale de Sindia, Somone est devenu commune en 2008. Elle a le mérite d’être l’une des rares collectivités locales à redynamiser le Comité consultatif des femmes mis en place par les pouvoirs publics. Cette structure qui fédère les différentes associations de femmes est conviée aux débats d’orientation budgétaire, mais elle n’y joue pas un grand rôle, laissant les commandes au maire.
Pour mettre la main sur elle, il faut s’armer de patience et faire preuve de persévérance. Présidente du Comité consultatif des femmes de Somone, Aby Diakhaté Ndiéguène touche à tout. Avec le Comité, la Maison de la femme, ses activités privées, etc., elle est femme à tout faire. Quand on parvient à lui mettre la main dessus, c’est avec un brin de sourire et des excuses qu’elle lâche : «J’avais une petite réunion avec le secrétaire municipal…». Instruite en arabe, l’esprit subtil, c’est sur elle aussi qu’a convergé la confiance de ses paires lorsqu’il s’est agi de mettre en place la Maison de la femme de Somone qui fédère les différentes associations féminines. «J’étais assise au fond de la salle parce que je faisais partie des dernières venues. Mais quand on a demandé «Qui est intéressée par le poste de président ? » tout le monde m’a pointée du doigt. J’étais réticente. Je m’en suis ensuite ouverte à mon père qui m’a simplement dit : «C’est toi qui a appris dans le Coran qu’aimer sa cité est une façon d’adorer Dieu, non ?» Ses propos sonnent encore dans mes oreilles », lance-t-elle sous son voile qui dégage son visage. Des propos qui ne lui laissaient pas des voies de refus.
Aby Diakhaté Ndiéguène, en plus de la Maison de la femme, pilote ainsi le Comité consultatif des femmes dont la mission est de mieux impliquer celles-ci dans la gestion de la collectivité locale en portant leur voix dans les débats d’orientation budgétaire. «Il n’existe pas un Comité consultatif pour les hommes. C’est une discrimination positive qui a pour objet de mieux engager les femmes dans les affaires de la cité. On procède ainsi depuis 2009», explique le maire Boucar Sadj. Les sessions budgétaires sont publiques. Toutes les associations et organisations de la commune y sont invitées. «On s’attache même les services d’un crieur public qui fait passer l’information partout dans la commune. Des invitations écrites sont également adressées à toutes les associations et organisations du coin. Dans les débats, la parole est à qui veut la prendre. Les uns posent des questions, les autres font des contributions. Puis on fait la synthèse avec l’appui des commissions techniques : environnement, santé, éducation, etc. C’est ce qui donne les grandes lignes de ce que sera le budget», explique M. Sadji.
Des voix discordantes
Avec ce Comité consultatif les femmes disposent d’un espace pour organiser leur participation à la gestion de la cité, mais celle-ci ne satisfait pas tout le monde. Conseillère municipale, vendeuse d’objets d’art au village artisanal, Aminata Sadji, ne cache pas ses récriminations. Le grief principal qu’elle porte reste lié à réserve communautaire de Somone qui constitue l’une des principales sources de subsistance des femmes. Créé en 1999, cette première réserve communautaire au Sénégal a commencé à changer le visage de la commune et à impacter sur la vie des populations au plan social et économique. En plus de régénérer les ressources halieutiques et de renforcer les activités touristiques, elle contribue à l’emploi des femmes. Une cinquantaine d’entre elles s’activent ainsi dans la récolte des huitres. Mais, regrette Mme Sadji, «le Conseil municipal ne veut pas qu’on en parle. A chaque fois que tu poses la problématique de la réserve dans les réunions consacrées au budget, on te dit que ce n’est pas à l’ordre du jour». Dans la commune, d’aucuns auraient aimé que le site soit protégé de l’empiètement de certains hôteliers qui rêvent de s’installer le plus près possible. En plus de poser les questions liées à l’affectation des recettes.
Somone est l’un des sites touristiques les plus prisés du Sénégal. Le long de la route principale qui traverse la commune, visiteurs et touristes sont attablés aux terrasses des restaurants. Par-ci par là, on tombe sur des espaces de vente d’œuvres d’art. A l’instar d’Aminata Sadji, nombre de femmes se sont lancées dans ce secteur. D’autres s’investissent dans l’exploitation des ressources tirées de la réserve naturelle de la commune. Vice-présidente du Comité de gestion de cette réserve et pionnières dans la restauration de la mangrove à Somone, Aby Ndoye pense qu’une meilleure politique municipale aurait permis à la commune d’aller vers un développement plus inclusif. Mais «la mairie se sert plutôt de nous. Jusqu’à 10% des recettes du Comité de gestion sont versés aux mairies de Sindia et Somone», dénonce-t-elle. Le président du comité, Saliou Mbodj complète la clé de répartition pour révéler que «20% des recettes générées sont dédiés à la motivation des éco gardes, 40% sont destinés à l’aménagement et à l’entretien de la plage pour rendre attrayant le milieu et 10% sont donnés aux agents des eaux et forêts. Les femmes se retrouvent avec 20% pour le financement de leurs projets». Le maire Boucar Sadji valide cette répartition mais mentionne que la commune est restée longtemps sans voir la couleur de cet argent.
Mme Aminata Sadji aurait aussi aimé que la mairie adopte une attitude plus «positive» à l’endroit des occupants du village artisanal qui ont été déplacés du domaine des hôtels vers un lieu où les vendeurs «ne voient même pas l’ombre d’un touriste. Ici on peut rester du matin au soir sans voir de clients parce que l’endroit est très isolé alors que là où nous étions, les choses marchaient bien ». Mais devant ces frustrations qu’elle égrenne, le maire ne manque pas d’arguments. «Le village artisanal était dans le domaine d’un hôtel et les vendeurs ne payaient rien, explique-t-il. C’est le propriétaire a voulu engager des travaux d’extension et a repris l’espace en acceptant de construire un nouveau village artisanal dans un espace qui appartient à la commune. Ceux qui y sont installés sont obligés de payer des taxes», précise-t-il.
La voie du maire
Mais ces critiques ne déparent pas le tableau que les femmes dessinent pour leur maire. «Il ne nous oublie jamais. Il connait nos préoccupations et s’attèle à les satisfaire tous les jours. Nous n’avons même plus besoin de les lui dire», loue Fatou Diakhaté. Conseillère municipale et présidente de la section féminine de la commune, elle soutient que «le maire (leur) donne toujours ce qui (leur) revient de droit avant même qu’on ne le lui demande. C’est pourquoi lors des débats d’orientation budgétaire, on n’entend pas beaucoup les femmes», confie-t-elle. La présidente du Comité consultatif des femmes, Aby Diakhaté Ndiéguène, corrobore. Pour elle, si les femmes de Somone sont aujourd’hui fortes, c’est grâce à l’appui de la mairie. «Toutes nos formations ont été financées par l’institution municipale. C’est la commune qui nous a payé le matériel avec lequel nous avons débuté nos activités à la Maison de la femme, en plus de l’enveloppe de 2 millions qu’elle nous donne chaque année pour mener des activités génératrices de revenus», soutient-elle.
Cette subvention annuelle de 2 millions de francs, allouée au Comité consultatif, permet de consentir des prêts aux structures de femmes. Engagées dans la transformation des fruits, légumes et céréales au niveau de la Maison de la femme, les revenus qu’elles en tirent leur offrent de quoi faire face aux échéances de leur dette. Les prêts tournent autour de 40 000 F et les remboursements échelonnés sur quatre mois. Chaque jour les bénéficiaires remboursent 1100 F. Mais les fonds servent au-delà de ces prêts. «Nous aidons pour l’inscription des élèves dont les parents sont démunis», confie Aby Diakhaté Ndiéguène. Le maire ajoute : «A travers ces activités les femmes s’épanouissent et s’impliquent davantage dans le développement local». Une prise de conscience semble s’être ainsi installée à Somone, où les femmes se convertissent à une gestion plus lucide de leurs avoirs. «Pour lutter contre le gaspillage dans les cérémonies familiales, nous avons instauré une tontine qui alloue au gagnant du ciment, du fer, des carreaux, etc. L’argent est d’ailleurs versé directement aux fournisseurs», explique la présidente du Comité consultatif des femmes. Par ailleurs, cette structure a mis en place une mutuelle de santé. «Si on est en difficulté, la mairie intervient. Il y a une année où elle nous a aidé à éponger une dette à 450 000 F», confie Mme Ndiéguène.
Somone a cependant des défis à relever pour se repositionner dans l’environnement économique du pays. Il y a cinquantaine d’années, bien avant le développement la station balnéaire de Saly, c’était l’une des premières destinations touristiques du Sénégal.
Ndiol Maka SECK